Lettre syndicale de soutien aux Jardins d’Utopie

    Grenoble, le 17 décembre 2021

    A l’attention de :
    Monsieur le Président de l’université Grenoble Alpes
    CS 40700
    38058 Grenoble Cédex 09

Monsieur le Président,

Conformément au courrier en date du 29 novembre 2021, placardé début décembre sur les Jardins d’utopie, les signataires vous adressent cette requête argumentée pour s’opposer à la destruction des jardins annoncée pour le 5 janvier. Le courrier de l’administration ne fournit quant à lui aucun autre argument que le « pouvoir de police de conservation » et la « destination du lieu, à savoir une pelouse de détente », pour justifier cette destruction. En revanche, les arguments contraires ne manquent pas :

Ce lieu est un morceau de la mémoire estudiantine grenobloise. Créé en 2006, dans le sillage des luttes contre le Contrat Première Embauche (CPE), il a depuis régulièrement permis à des étudiant·es de se réunir pour cultiver le jardin, discuter et se former mutuellement.

Répondant à la vocation pédagogique et culturelle de l’université, le jardin a aussi servi à organiser des formations, des rencontres-débats et est régulièrement sollicité dans le cadre d’enseignements portant sur l’écologie, les communs, les nouvelles pratiques urbaines, etc. Loin d’être un ilot isolé, c’est au contraire le lieu d’échanges actifs qui participent pleinement à la vie de la communauté universitaire.

Il paraît particulièrement malvenu d’annoncer la destruction de ces jardins à la veille des congés de fin d’année, alors que les étudiant·es et les personnels sont absent·es, et après plus de deux années où la vie collective a été mise à mal par l’épidémie, les confinements et la fermeture du campus, qui ont bien sûr eu des conséquences sur la vie et l’entretien des jardins qu’il convient aujourd’hui d’aider à redynamiser.

Alors que la santé physique et mentale des étudiant·es est dangereusement fragilisée par des mois de solitude et que les équipes pédagogiques, confrontées à un absentéisme inédit, à l’augmentation des cas de dépression, à un sentiment de solitude et de perte de sens, ont lancé de multiples alertes, particulièrement depuis cette dernière rentrée, détruire les jardins reviendrait à priver les étudiant·es d’un espace porteur de leur histoire, conçu par eux et leur permettant de renouer avec des activités collectives.

Ajoutons que les personnels et usagers de l’université n’ont jamais été consultés sur « la destination des lieux » ni sur aucune des mesures d’aménagement des espaces du campus. Quelque temps avant l’épidémie, sur cette même esplanade, ils ont assisté à la destruction de plusieurs bosquets et au remplacement des bancs par de gros galets au design censément original mais inconfortables et intransportables. Aucun des aménagements des espaces n’a tenu compte de l’usage.

Les jardins d’utopie ne sont pas qu’une alternative à « une pelouse de détente » dont l’université ne manque par ailleurs pas. Ils sont un lieu de convivialité, d’invention, d’apprentissage de l’autonomie, pratiques qui répondent à la vocation d’une université. Comme le soulignait la lettre de soutien du département de philosophie lors d’une précédente menace de destruction en 2013, « les Jardins d’Utopie symbolisent, au sein de notre université, le souci de l’aménagement d’un monde humainement habitable qui ne se réduit ni à la maîtrise technique ni à l’enjolivement de carte postale, la réappropriation de l’espace public par les citoyens, et l’imagination collective d’alternatives intellectuelles, socio-économiques et démocratiques qui cultivent le sens du possible, de “ce qui pourrait avoir lieu demain” ». Cette analyse, que nous joignons à notre courrier car nous la partageons, est plus que jamais d’actualité, de même que ce que symbolisent ces jardins pour la communauté universitaire que nous voulons.

Les signataires de cette lettre prennent donc position pour la préservation des Jardins d’utopie. Ils et elles demandent l’abandon du projet de destruction et la mise en œuvre des démarches suivantes :

  • une enquête d’usage sur les espaces communs auprès des personnels et auprès des usagers ;
  • que contact soit pris avec les étudiant·es qui interviennent au jardin pour envisager avec eux un accompagnement permettant au jardin de retrouver sa pleine activité et sa sérénité.

Signatures:

FSU Campus
Sud Education 38
Génération Précarité
CGT Université de Grenoble
SEVE – Savoirs Émancipation Vie Etudiante
Union des Étudiant•es de Grenoble

Semis de petits pois sortant de l’hibernation

Petit collage d’affiche en soutien aux Jardins sur le bâtiment de la présidence

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